Chloé est assise sur banc, le long des quais. Elle semble parler à un chien, mais elle est en communication avec son psy.
Chloé : Je sais pas, je sais pas si j’ai bien fait d’accepter ce boulot. Je,.. je quitte mon travail à la prison, je.. je confie mes patients à un confrère, c’est une erreur ça, non ? Vous en pensez quoi, vous ?
Médecin : C’est pas mon rôle de vous dire ce que vous devez faire et vous le savez très bien ! En revanche, je peux vous rappeler ce que vous m’avez dit lors de votre dernière séance. « Mon travail de thérapeute me donne parfois l’impression d’arriver trop tard, je veux être au cœur de l’action, je suis sûre que je peux aider.
Chloé : Oui, je sais, je sais… mais…j’arrive pas… l’environnement est tellement différent, j’ai du mal à trouver mes repaires, c’est.. j’ai toujours l’impression de faire n’importe quoi.
Médecin : Ecoutez, vous êtes ma patiente, c’est vrai, mais vous êtes aussi la meilleure psychologue que je connais. Vous pratiquez la criminologie depuis des années. Je suis sûr que vous vous en tirez très bien.
Chloé : Hum (elle quitte le banc).
Médecin : Ah Chloé, j’ai encore une dernière chose à vous dire.
Chloé : Oui ?
Médecin : Il est 8 heures du matin, si vous voulez qu’on approfondisse la question la prochaine fois, je vous suggère de convenir d’un rendez-vous. Demain 19 heures ?
Chloé : Très bien. Au revoir.
Elle coupe la communication et immédiatement son portable sonne.
Chloé : Allo ?
Pérac (au commissariat, mais s’apprêtant à sortir) : Mlle Saint-Laurent, je suis désolé de vous sortir de votre petit lit douillet, mais on a un homicide à l’hôpital Saint-Georges ; il paraît qu’on doit vous faire participer à l’enquête, je veux vous avoir sur place dans une demi-heure. Voilà, j’espère avoir été bien clair. (Il est dehors).
Chloé : Très clair commandant (et elle lui fait un petit signe).
Générique
A l’hôpital.
Le Doc à Matthieu : Alors, comment ça se passe avec la jolie criminologue ?
Pérac (il soupire) : Wouai ! Les causes de la mort ?
Doc : Avec une dilatation des pupilles comme ça, empoisonnement. Je pencherai pour un composé morphinique à haute dose. Effet foudroyant.
Pérac : C’est le moins qu’on puisse dire. Il n’a même pas eu le temps d’appeler les secours.
Fred : Thomas Cavelian, 29 ans. Vient de finir son internat. Premier poste en cancérologie. Apparemment c’est un truc de famille, son père c’est le grand patron du service, Robert Cavelian.
Pérac : Oui, j’en ai entendu parler. Les recherches sur les anti-inflammatoires contre le cancer des poumons.
Doc : Tu lis la gazette des médecins toi, maintenant ?
Pérac : Oui, il y a de ça…
Fred : Ton Cavelian est rentré dans son bureau à 7 h 30 ; une demi-heure après, une patiente qui avait rendez-vous l’a trouvé comme ça.
Pérac : Et personne n’est entré dans le bureau entre-temps ?
Fred : D’après les infirmières, personne.
Doc : Pas de traces de vomissures visibles à première vue. Hum hum, on dirait que notre victime a urgité quelque chose… du chocolat.
(Pendant ce temps, Chloé a trouvé une boîte de chocolats et voulait en manger ; elle l’a recraché quand elle a entendu ce que le médecin légiste disait et tient le morceau dans sa main qu’elle cache derrière son dos).
Chloé : Il y en a une boîte là… entamée
Pérac s’approche d’elle, prend la boîte et lui demande : Il en manque là combien d’après vous, 5 ou 6 ?
Chloé : Je sais pas…
Pérac au Doc : Ca pourrait être l’arme du crime ?
Doc : Ca serait une première dans ma jeune carrière, mais oui. Vu la rapidité de l’action du produit, c’est forcément une des dernières choses qu’il a avalée.
Fred : Au milieu des cadeaux des patients ? Sympa !
Chloé : On sait déjà que le tueur connaît les habitudes de la maison.
Pérac : On sait aussi qu’il a un sens de l’humour bien à lui (et il tend la boîte à Chloé pour qu’elle lise la carte de visite).
Chloé : Avec tous mes remerciements.
Deux femmes sont dans le couloir. Matthieu sort du bureau du médecin.
L’une des femmes : T’inquiète pas, Claire, je suis là.
Fred, Matthieu et Chloé les regardent. Ils s’en vont, sauf Chloé qui s’adresse à l’un des policiers : C’est la personne qui a découvert le corps ?
Le policier : Claire Charcot. Elle avait rendez-vous à 8 heures.
Chloé : Et, elle…
Le policier : Leucémie. Bien avancée à ce que j’ai pu comprendre.
Chloé : Merci.
Fred et Matthieu sont dans l’un des couloirs de l’hôpital.
Fred : Les infirmières disent que le paquet est arrivé hier matin par la poste. Elles l’ont juste mis avec les autres sur son bureau.
Pérac : L’expéditeur savait que personne ne se méfierait.
Fred : C’est peut-être quelqu’un de la maison.
Chloé qui les a rejoints : Le tueur a peut-être des connaissances médicales. Je veux dire, le poison, c’est un moyen de tuer sophistiqué. C’est une arme employée par les femmes le plus souvent.
Pérac : Ah, vous voulez dire une femme avec des connaissances médicales dans un hôpital. (Chloé faisant signe que oui). Effectivement, c’est original !
Fred : Bon, faut que j’aille à l’accueil chercher la paperasse. L’infirmière en chef t’attend au rez-de-chaussée.
Pérac : D’accord, oui.
Dans le bureau de l’infirmière.
L’infirmière : Le professeur Cavelian doit être dévasté. Thomas c’était son fils unique. Il attendait beaucoup de lui.
Pérac : Mais en même temps, la situation de Thomas Cavelian pouvait faire des jaloux, non en tant que fils du patron ?
L’infirmière : On voit que vous ne connaissez pas le professeur. C’est pas le genre de passer quoi que ce soit, à qui que ce soit, et encore moins à son fils.
Chloé : Ca doit pas être facile quand on est si jeune et que la figure paternelle est si imposante.
Pérac : Non, mais concrètement madame, est-ce que vous savez si Thomas Cavelian s’était accroché avec quelqu’un dans le service ou au sein même de l’hôpital ?
L’infirmière : Heu non, pas à ma connaissance. Mais vous savez il passait ses nuits au bureau, ses journées avec les patients.
Chloé : Il se faisait beaucoup de soucis pour eux.
L’infirmière : Trop de soucis.
Chloé : A vous entendre, ça n’était pas une bonne chose.
L’infirmière : Ce que l’on peut voir dans ce service, ça peut être très éprouvant pour un jeune médecin. Et si l’on veut tenir le coup, vaut mieux commencer à apprendre à se protéger soi-même.
Chloé : Et Thomas Cavelian n’y arrivait pas.
L’infirmière : Tous ces patients, cela devenait insupportable pour lui. Il y a une semaine, il m’a demandé de transférer tous ses patients vers d’autres chefs de clinique.
Pérac : Mais pourquoi ? Il voulait démissionner ?
L’infirmière : Il m’a rien dit. Mais… il avait l’air … soulagé.
Au commissariat.
Pérac : Il n’y a aucune empreintes ni sur la boîte de chocolats, ni sur la carte.
Hyppolite : J’ai remonté la piste du colis jusqu’à la poste du Louvre, mais personne ne se souvient de l’expéditeur.
Pérac : On n’a rien de rien, on sait juste qu’apparemment la victime voulait quitter son travail, c’est tout.
Lamarck : Et en ce qui concerne un mobile potentiel ?
Pérac : Il n’y a pas d’ennemis au boulot. Là, on est en train de fouiller dans sa vie privée, mais…
Chloé : Les chocolats ont été envoyés à son bureau, pas chez lui ; c’est sa fonction cancérologue qu’on attaque, pas sa personne. Ca pourrait être un patient…
Fred : Oui, c’est vrai qu’entre deux chimios, un petit meurtre, ça occupe.
Chloé : Ou un collègue. Thomas Cavelian était sous pression. Ca pourrait être une erreur médicale qu’on voudrait lui faire payer.
Pérac : Oh, oh ! Oui, ça, évidemment ça pourrait être beaucoup de choses. Mais on va faire tout ça dans l’ordre si ça vous dérange pas trop, hein ! Donc, on perquisitionne à son domicile cet après-midi.
Fred : Wouai.
Lamarck : Vérifiez s’il y a une procédure en cours contre Thomas Cavelian, contre l’hôpital.
Lamarck à Matthieu : Ca va aller ?
Pérac : Pourquoi qu’est-ce qui va aller ?
Lamarck : Cette enquête pour toi, ça doit pas être évident.
Pérac : T’inquiète pas, je gère. Mais c’est gentil quand même.
Fred : Commandant, le doc, il est prêt.
Chez le médecin légiste
Doc : Vos chocolats, mes enfants, sont farcis à l’extrait de belladone, injecté à la seringue. C’est une plante très toxique contenant de l’atropine, le genre qui provoque tachycardie et au bout du compte la mort. L’atropine explique aussi la dilation des pupilles.
Chloé : La belladone, c’est l’herbe des sorciers, non ?
Doc : Exact. Réputation sulfureuse et ancestrale.
Pérac : D’accord. Très bien. Et ça se présente sous quelle forme chez nous ?
Doc : Dans ce cas-là, probablement une solution à base d’alcool, le genre de chose que l’on prescrit en homéopathie, mais jamais aussi concentré. A priori, je dirais que l’odeur et le goût sont cachés par ceux de l’alcool.
Pérac : Donc indétectable. Autre chose ?
Doc : Certainement monseigneur. Le corps de la victime… Il est couvert d’ecchymoses.
Pérac : Récentes ?
Doc : Non, à priori je dirais deux à trois semaines. Coups portés à l’aide d’un objet contendant, petite surface de contact et force très concentrée.
Pérac : Une sorte de poing américain.
Doc : C’est possible. On a également des traces de lacération sur le torse.
Chloé se penche pour voir : Les épaules, l’abdomen, rien sur le visage, ni sur le cou, ni sur les mains, sur aucune partie visible du corps.
Bruits dans le couloir.
Pérac : Division Pérac, criminelle. On peut savoir ce qui se passe.
Cavelian : Je suis le Professeur Robert Cavelian. On veut nous empêcher de voir notre fils.
Pérac : Mes condoléances pour la mort de votre fils, Monsieur et Madame Cavelian. Je suis désolé, mais on va devoir garder son corps pendant un moment. J’imagine qu’on a dû vous dire qu’il s’agissait d’un meurtre ?
Mme Cavelian (qui est en retrait) : Mon Dieu.
Pérac : Vous avez peut-être une idée de la personne qui aurait pu lui vouloir du mal ou est-ce qu’il avait des ennuis en ce moment ?
Cavelian : Si Thomas avait des problèmes, il les gardait pour lui.
Chloé : A ce que l’on nous a dit, vous ne lui faisiez pas de cadeau à l’hôpital.
Cavelian (furieux) : Vous êtes qui vous ?
Chloé : Chloé Saint-Laurent. (Et elle lui tend la main). Criminologue.
Cavelian : Je ne sais pas comment cela passe dans votre domaine, mais en ce qui concerne la médecine, on ne peut pas se contenter d’être moyen. Laissez-moi passer.
Chloé : Professeur, le médecin-légiste est en train de recoudre le cadavre de votre fils. C’est vraiment ce dernier souvenir que vous voulez garder de lui.
Cavelian : Ecoutez, mademoiselle, malheureusement mon métier m’a habitué à ce genre de choses. Maintenant, je veux voir mon fils. Madelene…
Chloé : Madame, rien ne vous oblige à entrer dans cette salle.
Mme Cavelian suit son mari.
Chloé à Mattieu : C’est de la maltraitance psychologique. Même dans son couple, il reste le grand patron.
Pérac : Oui, oui, il est dur, c’est vrai. Mais il a sûrement ses raisons. Et en même temps, on n’est pas en thérapie, hein !
Dans l’appartement du fils Cavelian
Chloé pour elle-même : L’appartement de la victime, sobre, fonctionnel, entièrement dévoué au travail. Toujours le père, toujours le culte du père, même ici c’est impossible d’y échapper.
Pérac : Et un sport de combat à hautes doses, ça pourrait expliquer… les coups, non ?
Fred : J’ai une info : plusieurs voisins ont croisé Cavelian avec une femme, une grande brune et le locataire du dessous dit que ça pétait souvent entre eux, des disputes vraiment violentes.
Pérac : Ben tu penses, vu l’état de Cavelian, ça devait pas être facile tous les jours. Il t’a laissé un nom ?
Fred : Non…
Chloé : Non, ça colle pas. Il y avait des règles dans cette violence. Et puis, on a voulu éviter de laisser des traces visibles.
Fred : Si tu veux faire l’enquête de voisinage à ma place, vas-y, hein.
Chloé : Cavelian était écrasé par l’autorité de son père. Il avait développé un profond sentiment d’infériorité.
Chloé s’enroule les mains autour d’une lanière qui pend au plafond et ressent les choses comme si elle était Cavelian : « J’ai besoin d’être dominé par ma partenaire. La violence fait partie de notre relation. J’en ai besoin pour éprouver du plaisir. Sans cette douleur, je ressens rien. Je suis vide… ». Elle ne parvient pas à se détacher.
Pérac : Un petit coup de main peut-être, non ? Vous pensez à des relations obscènes qui auraient dégénéré, c’est ça ?
Un policier entre : Commandant, venez voir.
Le policier le conduit devant l’ordinateur de Cavelian : C’est le dernier site visité par la victime.
Pérac : Ah, Cavelian était membre d’une communauté SM.
Policier : De plus, il s’était pas déconnecté. On peut accéder à ses mails.
Fred : Ils sont tous adressés à la même persone.
Pérac prend son portable : Hyppolite, j’ai besoin une domina 75
Matthieu est chez lui. Sa femme donne à manger à leur petite fille.
Sa femme à l’enfant : Tu veux bien aller chercher le doudou, on va bientôt partir à la garderie, d’accord.
Pérac : (qui ne parvient pas à se préparer son café) C’est pas vrai, merde.
Sa femme : Matt, tu peux me dire ce qu’il y a ? Tu es d’une humeur de chien. T’as pas dormi de la nuit.
Pérac : Non, rien, rien, rien. C’est juste une nouvelle affaire sur laquelle on bosse, un homicide.
Sa femme : Et ?
Pérac : Et la victime c’est un médecin dans une unité de cancérologie. Alors, voilà, j’arrête pas de penser à mon frère, j’arrête pas de me dire… je sais pas… s’il avait vraiment voulu, il serait peut-être encore là aujourd’hui.
Sa femme : Oui, je sais, tu crois toujours que tout est une question de volonté. Mais c’était plus compliqué que ça, et tu le sais très bien.
Pérac : Je lui ai proposé un nouveau traitement, il aurait dû essayer, cela aurait pu.. je sais pas.
Se plier encore à un énième chimio. Souffrir encore pendant des mois sans savoir ce que cela allait donner. Pierre avait besoin de calme. Il avait envie d’avoir du temps à passer avec Arthur et Sandrine. C’était son choix. Pas celui des médecins, pas le tien, son choix.
Pérac : Parce que abandonner sa femme et son gamin, c’est un choix peut-être ?
Sa femme : Je sais que c’est toi qui as pratiquement élever tes frères et sœurs après le départ de ton père, mais ça te donne pas le droit de décider de leur vie, tu crois pas ?
Pérac : Mais t’as raison, ça me juste le droit de les regarder mourir.
(Silence, ils se regardent)
Pérac : Elle est où la petite ?
Sa femme : Dans sa chambre.
Pérac : Je l’ai pas vue partir moi ! … Je l’embrasse et j’y vais, hein.
Une femme devant une école.
La femme : Paul, Paul, mon chéri, viens vite. Tiens, tu as oublié ton goûter. Tu manges tout et t’es sage surtout. Allez, au revoir, au revoir mon amour. Bonne journée.
Chloé et Matthieu arrivent à sa hauteur.
Pérac : Mme Delaleuille ?
Mme Delaleuille : Oui ?
Pérac : Police. On peut vous parler un moment ?
Mme Delaleuille : Bien sûr, c’est à quel sujet ?
Pérac : C’est au sujet de Thomas Cavelian.
Mme Delaleuille : Comment vous m’avez retrouvé ?
Pérac : Vous avez payé votre abonnement avec votre carte bleue. Mais c’est marrant, on dirait que cela vous perturbe plus que la mort de votre partenaire.
Mme Delaleuille : Mais vous vous rendez compte du scandale si mon mari l’apprend. Evidemment la mort de Thomas me fait de la peine mais je le connaissais pas si bien que ça.
Pérac : Ah, excusez-moi, c’est pas l’impression que j’ai eue. On a vu son corps à la morgue, apparemment vous ne faisiez pas que des chatouilles.
Mme Delaleuille : Vous ne savez pas de quoi vous parlez.
Pérac : Si, si madame, je sais parfaitement de quoi je parle. On parle d’un meurtre. Alors, qu’est-ce qui s’est passé ? Vos rapports ont dégénéré ? Il vous faisait chanter ?
Mme Delaleuille : Mais vous êtes complètement fou, hein ! Je lui aurais jamais fait de mal à Thomas. Je passe ma vie à servir de taxi entre les cours de judo et les cours de violon. Les soirées qu’on passait ensemble, c’était ma bouffée d’oxygène.
Chloé : Madame, nous ne sommes pas là pour juger votre relation avec Thomas, on essaye juste de comprendre ce qui s’est passé. Vos jeux érotiques, c’était quoi exactement ?
Mme Delaleuille : Rien de très original. Au début, il voulait que je le domine. Que je lui propose mon scénario, mes envies.
Chloé : Au début ? Ca a évolué ?
Mme Delaleuille : Ces derniers temps, il voulait que je lui fasse mal. Que je le punisse. Il disait qu’il méritait tout cela, qu’il se sentait coupable. Ca devenait trop violent. A vrai dire, on avait décidé de ne plus se voir pendant un moment.
Chloé et Matthieu quittent Mme Delaleuille.
Chloé : Chez les personnes en situation d’invalidation, la douleur aide à gérer la pression, la honte d’être soi, cette relation était certainement une source d’apaisement pour Thomas Cavelian.
Pérac : Ben, je vous dirai ça une fois qu’on aura vérifié l’alibi de sa copine.
Chloé : Cette montée du sentiment de culpabilité. Je transfère mes patients à un autre médecin, ma partenaire me quitte parce que je deviens incontrôlable. C’est crise, c’est forcément lié à son travail.
Pérac : Hyppolite a passé des heures à chercher une procédure en cours, il n’a pas trouvé l’ombre d’une plainte pour erreur médicale.
Son portable sonne.
Pérac : Oui, Fred.
Fred : Le SAMU a reçu un appel, il y a un quart d’heure, à propos d’une intoxication. La victime a parlé d’une boîte de chocolats avant de perdre connaissance.
Ils ont rejoint l’ambulance. Les ambulanciers sont sur le point d’embarquer la victime.
Chloé : Je peux lui parler ?
Le médecin du SAMU : Allez-y, mais deux minutes.
Et à Pérac : On est arrivé juste à temps. Elle s’en sortira.
Pérac : Bien, merci. Vous avez son identité ?
Le médecin : Brigitte, Brigitte Mangin.
Pérac : Je peux voir la boîte ?
Le médecin : Vous devriez faire analyser, c’est pas commun cette histoire.
Pérac : C’est pas la peine ; c’est de la belladone à coup sûr. Vous savez si la victime a un lieu avec le docteur Thomas Cavelian ?
Le médecin fait signe que non de la tête.
Chloé : Le lien, c’est pas le fils, c’est le père. Brigitte Mangin, c’est la secrétaire de Robert Cavelian. Les chocolats, c’était pour lui mais, enfin il savait pas quoi en faire, il lui a donné.
Au commissariat.
Fred : On n’est pas passé loin du double meurtre. Les collègues ont prévenu le bureau du professeur Cavelian pour la deuxième boîte de chocolats. Et apparemment, il n’est pas à l’hôpital.
Pérac : Et bien, qu’ils le cherchent. Envoie une unité à son domicile.
Chloé (pour elle-même) : Les deux cibles sont différentes. Thomas, un médecin sensible, empathique, et Robert Cavelian, personnalité narcissique, habitué à dominer les gens, à les écraser sous son autorité, …
Pérac : Mais je pense que Cavalian n’écrase personne, il dirige, c’est différent. Il faut un peu se rendre compte de ce que c’est d’avoir la responsabilité d’une équipe aussi.
Chloé : Si vous voulez, mais le poison est une arme indirecte. Le tueur a conscience de la supériorité des Cavelian. Il veut éviter le face à face.
Pérac : Alors ok pour le Professeur Cavalian, mais son fils ? Il ferait pas peur à ma fille de deux ans.
Chloé : Oui, mais leur fonction de médecin impressionne, leur statut, c’est ça le point commun.
Par l’interphone, Hypolite annonce à Matthieu qu’il a quelque chose. Dans le bureau d’Hypolite.
Hypolite : D’après l’administration de l’hôpital, Robert Cavalian a fait interdire l’accès à son service à un certain Maxime Dazor et il y a deux semaines, il l‘a carrément fait expulser de force par les autorités.
Pérac : Maxime Dazor ? C’est qui se type-là ?
Hypolitte : Regardez ce que j’ai trouvé sur le Net.
Chloé lit ce qui s’affiche sur l’écran : « Plaidoyer contre la médecine aveugle du professeur Cavelian, par Maxime Dazor. ».
Hypolite : Et il y en a des pages et des pages.
Pérac : Médecine arriérée qui n’accorde aucun crédit aux solutions alternatives, un homme borné qui nie l’existence des énergies vitales. Qu’est-ce que c’est cette connerie ?
Chloé : Magnétiseur.
Hypolitte : Exact. J’ai vérifié ses déclarations d’impôts. Magnétiseur et homéopathe pour être précis.
Pérac : Et la belladone ? Le doc nous a pas dit qu’on utilisait ça en homéopathie ?
Chloé : Hummm.
Pérac : Il faut croire que le magnétiseur est passé aux travaux pratiques.
Il s’en va. Chloé le suit. Il se retourne.
Pérac : Qu’est-ce que vous faites vous ?
Chloé : Ben, je vous accompagne.
Pérac : Vous avez une arme ?
Chloé : Euh, non, mais…
Pérac : Vous savez procéder à une interpellation ?
Chloé : Ah non plus, mais…
Pérac : Alors il faut rester là. Hypolite prévient Fred.
Matthieu et Fred arrivent devant le domicile de Maxime Dazor.
Pérac : Le doc nous avait prévenus qu’on cherchait un sorcier, il croyait pas si bien dire.
Fred : Tu crois qu’il connaît les herbes contre les criminologues ?
Ils entrent. A l’intérieur, le professeur Cavalian menace Dazor avec son arme.
Cavalian : (inaudible) tu as tué mon fils !
Dazor : Mais enfin, c’est absurde.
Pérac : Monsieur, posez cette arme s’il-vous-plaît.
Cavalian : Des années qu’il escroque mes patients. Qu’il vient racoler dans mon service pour vendre ses miracles à des mourants. Tu n’as pas supporté que je te fasse interdire d’accès à l’hôpital, hein. Espèce d’ordure.
Pérac : Monsieur, calmez-vous et posez cette arme, s’il-vous-plaît.
Dazor : Et tu crois que j’ai tué ton fils pour ça ! Moi, moi, moi, moi, moi… tu ramènes toujours tout à toi. Mon hôpital, mon service, mes patients, mais tes patients je les aide simplement à supporter tes traitements, je leur parle, je les écoute, toi, tu connais même pas leur nom !
Pérac s’approche de Cavalian : Monsieur, c’est la dernière fois que je vous le demande. Donnez-moi votre arme. Donnez-moi votre arme ou alors …
Cavalian lui remet son arme. Fred l’emmène.
Dazor : Ben dis donc, heureusement que vous êtes arrivés à temps parce que..
Pérac : Oui, (et il le menotte) mais un suspect qui est mort, ça fait toujours désordre.
Dazor : Mais enfin…
Au commissariat
Hypolitte : Le moins qu’on puisse dire, c’est que la haine entre Dazor et Cavalian ne date pas de hier. Ils ont fait médecine ensemble. Dazor a quitté la fac en troisième année, depuis c’est la guerre à mort. Cavalian l’a même poursuivi : pratique illégal de la médecine. Et il perdu.
Chloé : La vieille querelle entre médecine traditionnelle et médecine parallèle.
Pérac : Entre professionnels et charlatans, vous voulez dire.
Chloé : Thomas Cavalian s’est peut-être retrouvé pris entre les deux.
Fred entre.
Pérac : La pêche chez Dazor, ça donne quoi ?
Fred : Miraculeuse. Teinture mère de belladone. Exactement la même composition que la substance qui a tué Thomas Cavalian. J’ai vérifié sur le livre de commandes et il manque deux flacons dans l’armoire.
Pérac : Et quand je pense qu’il prétend aider les gens. Il balance deux colis mortel dans la nature, cet enfoiré.
Chloé : Cette attaque permanente contre Dazor peut l’avoir plongé dans un état de stress intense. Une forme de paranoïa. Et Chloé s’identifie à Dazor : « Personne ne reconnaît mon travail. On me traîne dans la boue. Cavalian détruit méthodiquement ma réputation pour m’empêcher d’exercer. Il faut absolument que je leur prouve que j’ai raison. Que je leur montre à tous. ». Le sujet calomnié tourne en boucle, il est perpétuellement dans la réaction, la riposte.
Pérac : Je rêve, ou vous venez de dire qu’on est d’accord ?
Quelques instants plus tard :
Pérac : Ben, vous venez ?
Chloé : Ah, euh, il faut que je reste ici, que je prenne un peu de recul.
Pérac : Encore une fois d’accord ! C’est merveilleux. Ca fait deux fois, hein ! C’est bien ça.
Cavalian et Dazor sont chacun dans une salle d’interrogatoire. Matthieu entre chez Dazor.
Dazor : C’est moi qu’on menace avec une arme et c’est qui me retrouve ici. Vous ne trouvez pas ça… amusant ?
Pérac : Non, ça ne m’amuse pas. Surtout si on considère que vous avez empoisonné Thomas Cavailan et que vous avez essayé de tuer son père.
Dazor : Comme si j’avais quelque chose à y gagner ! Le monde est plein de gens obtus comme Robert. Quant à son fils, tout le monde savait que c’était une marionnette entre ses mains. J’ai de la peine pour lui franchement. Enfin, si le professeur Cavailan a dit que c’est moi qui l’ai tué, …
Chloé (dans le micro, de la pièce à côté) : Ce besoin de reconnaissance, c’est sa faille narcissique, son point sensible.
Pérac : Vous n’avez jamais fini médecine ?
Dazor soupire.
Pérac : Pourquoi, qu’est-ce qui s’est passé ? Vous arriviez plus à suivre ?
Dazor : C’est une démarche personnelle.
Pérac : Ah !
Dazor : Je ne me reconnaissais pas dans cet enseignement, je voulais proposer une alternative aux gens qui souffrent.
Chloé : Une mission pour lui, il veut qu’on le traite comme un vrai thérapeute.
Pérac : Proposer une alternative aux gens qui souffrent ou leur prendre leur argent, tout ça c’est un petit peu pareil quand même ?
Dazor : Vous ne le savez peut-être pas, mais il existe des pays où les services de cancérologie travaillent en symbiose avec les médecines parallèles, tandis qu’ici le grand professeur claque des doigts et les portes se ferment.
Pérac : Donc, si je comprends bien les Cavailan te persécutaient en quelque sorte, t’avais de plus en plus de mal à supporter qu’ ils te mettent des bâtons dans les roues et donc c’est à partir de ce moment-là que t’as eu l’idée de ta petite pharmacie.
Dazor : Ma pharmacie ? Qu’est-ce que c’est cette histoire ?
Pérac : Belladone. On a trouvé ça dans tes stocks et d’après tes lignes de commande, on aurait dû en trouver deux autres. T’est allé à la poste il y a deux jours vers 10 h 45 ; t’as envoyé deux paquets.
Dazor : Non…
Pérac : Ne cherche pas, on a déjà vérifié, t’avais pas de rendez-vous.
Dazor : Mais, je …Je ne sais pas où j’étais. Mais… 10 h 15 vous avez dit ? Je devais être chez moi.
Pérac : Seul évidemment !
Dazor : Je n’ai rien à ajouter.
Pérac : Ca tombe bien parce que avec ça et sans alibi, je n’ai plus rien à te demander moi !
Chloé est en face du commissariat. Pérac en sort.
Pérac : Cavailan a été relâché.
Chloé : Décidément, il a beaucoup de passe-droit ce professeur.
Pérac : Il a traité la femme du proc l’année dernière. On va attendre que Dazor marine un peu. A mon avis, il ne va pas tarder à craquer.
Chloé : Je sais pas, je…
Pérac : Je me disais bien que ça pouvait pas durer tout ça ! Alors, c’est quoi le truc, ce coup-ci ? Entre médiums on se sert les coudes ? Laissez-moi deviner. Il n’a pas le chakra du coupable ?
Chloé : La synergologie.
Pérac : La quoi ?
Chloé : La synergologie. La communication verbale, si vous préférez. Sur la fin de l’entretien, Dazor n’a pas arrêté de se toucher les yeux, la bouche, les cheveux. En général, on associe ce type d’auto-contact à un comportement de simulateur.
Pérac : Ah, vous voulez dire qu’il ment pour cacher sa culpabilité, cet homme ?
Chloé : Non, je veux dire qu’il nous cache quelque chose au sujet de la belladone. Son attitude a complètement changé quand vous lui avez montré le flacon. Il… Il savait pas que c’était l’arme du crime, vraiment, il avait l’air très surpris.
Pérac : Mais surpris qu’on ait trouvé aussi, je pense. Moi, en ce qui me concerne, j’ai ses empreintes, un sérieux mobile, un alibi quasi inexistant, et tous ces éléments réunis, dans mon métier, ça s’appelle le jackpot. Voilà et comme je suis un commandant sympa et que vous n’êtes pas là depuis longtemps, je vous donne votre soirée. Voilà, j’appelle le juge et on passe à autre chose.
Il s’en va.
Chloé : Non, mais commandant…
Il part.
Chloé rentre chez elle au moment où le téléphone sonne. Le répondeur se met en marche.
Voix : Bonsoir Chloé, Dr Jost, votre psy. Donc si je comprends bien soit vous m’appelez à 8 du matin, soit vous oubliez de venir à ma séance.
Chloé : Merde !
Voix : C’est pas à vous que je vais apprendre qu’on ne suit pas une thérapie de cette manière. Il faut décider, Chloé soit vous faites ce travail en dilettante, soit vous vous donnez les moyens d’avancer.
Il raccroche. Elle sort de son appartement et retourne au commissariat. Elle entre chez Hyppolite et lui tend un café en disant son nom.
Hyppolite : Ah un café… froid ?! Merci. C’est tout ce que j’aime. Que mon vaut cette délicate attention ?
Chloé : Hyppolite, j’ai un service à vous demander.
Hyppolite : Pourquoi je sens que ça va énerver mon patron ?
Chloé : Probablement parce que c’est le cas. J’ai besoin d’un renseignement, mais si vous voulez on n’a qu’à dire que je me suis servie de votre ordinateur pendant votre absence. Il saura pas que c’est vous.
Hyppolitte : C’est une super idée, ça.
Chloé : C’est vrai ?
Hyppolite : Non.
Il se remet au travail. Elle reste plantée devant lui. Il la regarde.
Hyppolitte : allez, qu’est-ce que je dois faire ?
Chloé : Merci. Je vous revaudrai ça.
Hyppolite : J’aime autant pas, non.
Le lendemain, au commissariat.
Pérac : T’as fait quoi ???
Hypolitte : Non, mais je me suis dit qu’il fallait mieux vérifier l’alibi de Maxime Dazor pour le jour et heures où les colis ont été postés. Histoire de… boucler le dossier.
Pérac : Ah, là je dis chapeau ! T’es un grand professionnel Hypolite.
Pérac siffle en direction de Chloé et lui fait signe un pouce en l’air.
Pérac : Dis-moi, tu me feras penser pour la prochaine fois de te donner beaucoup, beaucoup plus de travail. Tu fais les choses tellement à fond, mon vieux, qu’il faut en profiter.
Fred : De toute façon, Dazor n’a pas d’alibi.
Hypolite : Ah oui, ça c’est ce qu’il a dit mais en réalité…
Pérac : En réalité quoi ?
Hypolite : Parce qu’en réalité Dazor donnait une conférence en Suisse ce jour-là. Il a même été pris en photo… C’est la première fois que je trouve un alibi à quelqu’un qui dit qu’il n’en a pas.
Fred : Oui, mais enfin tout ça prouve qu’il faut qu’on trouve son complice.
Chloé : Si Dazor avait tout prévu, pourquoi est-ce qu’il nous a pas donné son alibi pendant l’interrogatoire ? Ca n’a pas de sens, il pourrait être libre à l’heure qu’il est.
Pérac : Mince.
Chloé : S’il nous a menti, c’est qu’il a une idée qui pourrait être derrière tout ça.
Pérac : Il cherche à protéger quelqu’un !
Fred et Pérac retournent chez Dazor.
Fred : A part vous et Monsieur Dazor, qui avait accès à la pharmacie ?
L’assistante : Personne, elle est généralement fermée à clé.
Pérac : Il doit y avoir pas mal de passage dans ce bureau. Les illuminés, les pigeons…
Fred : (inaudible)
L’assistante : J’avais compris, merci. Non, je ne vois pas.
Pérac : Donc, à part vous et monsieur Dazor, personne ne s’est approché de cette pharmacie ?
L’assistante : Ecoutez, je ne sais pas si c’est lié, mais il y a deux semaines environ, en faisant l’inventaire de la pharmacie en fin de journée, il m’a semblé qu’il manquait deux flacons de belladone. Monsieur Dazor m’a dit que je me faisais des idées, j’ai pas insisté.
Pérac : Quel jour l’inventaire exactement ?
L’assistante : Il y a deux semaines, je crois. Mais je ne sais pas si…
Pérac feuillette l’agenda : Le 16, c’est ça ?
L’assistante : Oui.
Pérac : Et votre patron n’a reçu qu’un seul patient cet après-midi là ?
L’assistante : Oui, c’est ça, oui.
Pérac retourne l’agenda pour le montrer à Fred qui vient lire :
Fred : Claire Charcot, la patiente de Thomas Cavailan.
Pérac : Mais… Celle qui a découvert son corps !
Au commissariat.
Pérac : Je sais pas quoi te dire. Notre suspect est une gamine de 23 ans en phase terminale.<%2