Interview O.Vuillemin - Sep.2013

Longue chevelure rousse, garde-robe décalée, démarche timide. Chloé Saint-Laurent n’est pas ce qu’on pourrait appeler une héroïne standard. Quand TF1 prit le pari voici quatre ans de produire « Profilage », rien n’était gagné d’avance. Avec le temps, cette série policère autour d’une criminologue qui résout des enquêtes est devenue une des plus plébiscitées par le public. Odile Vuillemin, qui incarne le rôle de Chloé Saint-Laurent, ne mesure pas encore l’engouement autour de « Profilage ». Cette ancienne étudiante en sociologie et psychologie-«  avant d’être actrice, je voulais être ethnologue », confie l’intéressée, 37 ans au compteur, incarne ici son premier rôle télé. L’intéressée nous détaille comment elle a créé ce personnage atypique…

Comment gérez-vous l’engouement autour de la série et de votre personnage ?

C’est assez déstabilisant. J’ai eu un peu de mal au début, car je ne comprenais pas ce qui se passait. Le succès, c’est compliqué à gérer. Pour l’instant, je savoure. Il ne faut pas non plus croire à une vie rêvée de star. Nous avons parfois des journées de douze heures, c’est très épuisant. Cela faisait huit ans que tout le monde me jurait que je ne jouerais jamais dans une série. On me disait que j’étais trop atypique et que je n’avais pas le visage assez «classique ». Quand j’ai passé le casting pour « Profilage », j’étais tellement sûre de ne pas être sélectionnée que je suis venue très détendue. Mon personnage de Chloé est une manière pour moi de montrer qu’on peut être différent tout en s’intégrant socialement. Tout le monde  a des défauts, c’est une manière de déculpabiliser les téléspectateurs.

Chloé Saint-Laurent est un personnage de composition. C’est vous qui l’avez créé ?

On m’a laissé un champ libre total sur la base du scénario. J’ai expressément construit mon personnage avec plein de défauts. C’est pour ça que Chloé est très touchante. Au moment de la diffusion de la première saison, les producteurs ont d’ailleurs un peu flippé. Ils m’avaient même demandé de normaliser mon personnage. Moi j’en ai ras le bol de l’uniformatisation. « Profilage » est peut être la première série en France emmenée par une héroïne clairement décalée. Je pense que les chaînes sortent enfin de la période où tout devait être lisse.

La garde-robe de Chloé est assez décalée. Est-ce vous qui choisissez ses vêtements ?

Lors de mon premier entretien avec le réalisateur, je portais des chaussures vernies d’une couleur jaune poussin. Il les a regardées et m’a demandé : « tu crois que l’héroïne porte des talons ? » Nous sommes partis sur cette conversation pour créer la garde-robe de Chloé. Au départ, j’étais censée mettre des robes très classe, mais j’ai dit à la costumière que c’était beaucoup trop compliqué. J’ai instauré un concept que j’appelle « le raté qui marche ». J’ai envoyé au réalisateur une photo d’une robe un peu fantaisie, ça lui a fort plu. Je suis allée moi-même à Londres pour acheter les premiers habits de Chloé. Depuis, j’ai aussi une costumière qui m’habille.

Vous êtes en train de tourner la saison 5. Etes-vous partie pour suivre les traces de Julie Lescaut ?

Je ne sais pas si j’en ai vraiment envie. C’est sûr, Chloé évolue tout le temps. Je ne m’ennuie pas, je n’ai pas l’impression de faire la même chose. Maintenant en tant qu’actrice, j’ai aussi envie d’essayer d’autres choses. J’ai une liberté totale par rapport à ce que je fais. La chaîne TF1 a eu l’audace de cautionner une série comme celle-là, d’autant plus que nous sommes en période de crise. Avant, on avait tendance à reprendre des vieilles recettes et imiter. Les gens me disent que j’ai apporté quelque chose de différent.

Vous avez été Clodette dans le film « Podium ». Quels souvenirs gardez-vous de ce film ?

C’était mon premier vrai gros contrat. Avant ça, j’avais juste joué un petit rôle dans un film d’auteur. C’était un peu fou de jouer le rôle d’une Clodette. Pendant trois mois, nous nous sommes retrouvés dans des situations improbables. Nous avons tourné dans des parkings de banlieue. La production était obligée de mettre une bâche près de l’autoroute, car les automobilistes s’arrêtaient pour nous voir danser en tenue de Clodette. C’était du grand n’importe quoi ! Quant à Benoit Poelvoorde, j’en ai un très grand souvenir ! C’est quelqu’un d’une extrême intelligence, mais je ne suis plus en contact avec lui. Certains fans de la série me parlent encore de ce rôle, ils connaissent toute ma filmographie. Je découvre parfois des photos de moi sur internet postées par des fans que je n’avais moi-même jamais vues !

Vous avez démarré par le cinéma. Vous n’avez pas peur d’être enfermée dans un rôle d’une héroïne de série télé ?

Au départ, j’ai eu vraiment peur de cela. Je remarque que c’est l’inverse qui se passe. Mon personnage est tellement atypique qu’il n’est pas catalogué. Des gens du cinéma sont d’ailleurs venus me féliciter pour mon interprétation. Je ne pense pas que cela aurait pu se passer avec une série comme « Julie Lescaut », les temps ont changé. Avant, la télé était snobée par le septième art. Maintenant, Nathalie Baye ou Julie Depardieu jouent dans des séries. J’ai d’ailleurs des projets de cinéma qui se concrétisent. Je tournerai notamment dans un film italien, avec des comédiens italiens, mais qui se jouera en anglais. « Profilage » est diffusé en Italie et fonctionne très bien. Je pense que c’est une des fictions qui marche le mieux avec  « Esprits Criminels ».